#17 Nos utérus pensants

Mesdames

Vous m’avez peut être vue calme et assagie, embrassant à pleine bouche une nouvelle vie, brassant mes sentiments de culpabilité avec la rapidité du jaguar , chevauchant mes nouvelles organisations avec la souplesse de la gazelle.

Mais il y a un sujet qui me hérisse depuis trèsi longtemps, que je cherche à attraper tout en maîtrisant ma colère grandissante. 

C’est celui du silence des médecins, généralistes et gynécologues envers nous les femmes à propos de la relation que nous entretenons entre nos cerveaux et nos utérus. 

Je me rends à quel point il y a une omerta et je pèse mes mots comme si le sujet était illégal, n’avait pas droit de cité. 

Ces médecins et notamment les gynécologues qui nous prennent l’équivalent de 70 grammes de caviar pour nous poser un stérilet : ne sont ils pas assez proches de nous lorsqu’ ils  nous enfoncent plus ou moins délicatement le spéculum, ne sont ils pas assez préoccupés par leur métier et leur serment d’Hippocrate pour évoquer des sujets relatifs à notre utérus ? 

Messieurs et mesdames les médecins, je ne vais pas sonner sonner l’hallali contre votre profession mais je vous avoue une profonde colère envers vous et vos approches très tuyauteries de notre anatomie. 

Je vous préviens, ça va piquer. 

Bon commençons par le début. 

Bien sur le premier jour de nos règles, vous n’êtes pas là, les cours d’éducation sexuelle dispensés par des professeurs tétanisés par le sujet, nous ont à peine appris à distinguer un pénis d’un clitoris.

On ne s’attendait pas à savoir si nous étions vaginales ou clitoridiennes ou s’il existait des pénis courbés ou des micro pénis, mais avouons qu’à part nous faire pouffer de rire, nous n’avons pas appris grand chose. 

Que dire de nos mères ? Je me souviens de cette scène dans Diabolo Menthe de Diane Kurys où la mère de la petite Anne donne une gifle à sa fille par tradition le jour de ses premières règles. Ah elle a bon dos la tradition mais so what ? 

Au mieux nous avons appris que nous étions désormais des femmes ( ah bon sacrée nouvelle ? ) et que tous les mois nous aurions à mettre protections et tampons pour les plus courageuses et que ce flux attestait  d’une bonne santé et d’une nature féconde . Mais cette première étape a subi le tamis du silence maternel  et filtrant  le sujet de nos futures relations sexuelles.Bref nos mères nous ont vus femme mais pas sexuellement actives.Nos pères, n’en parlons même pas.

Et nos mères génération 68 , éduquées elles aussi par vous chers médecins et par la pudique génération du dessus, ne nous ont rien transmis d’autre que de la technique. `

A quel moment j’ai entendu que la veille de mes règles, j’allais plonger dans des abimes de mauvaise humeur et de désespoir. 

Pourquoi j’ai attendu presque mes 40 ans pour ne pas prendre de rendez-vous importants ce jour-là, où j’aurai pu de colère renverser le bureau, la cafetière et les verres d’eau sur un client tatillon, ou j’aurai pu éclater en sanglots pour une remarque un peu déplacée , ou juste une remarque anodine d’ailleurs? 

A la réflexion, ce sont peut-être les hommes qui ont su mieux nous cerner avec leur remarques sexistes : «  t ‘as tes règles ou quoi ? «  Quoi donc,  tu as toi, homme velu tu as su déceler notre mauvaise humeur, notre humeur chafouine, notre démarche trainante, nos entrains bafoués ? « ben oui j’ai mes règles Ducon, merci quand même d’avoir remarqué ». 

L’état dans lequel nous met nos règles et notamment le phénomène pré-menstruel , personne ne nous en parlé juste pour qu’on le reconnaisse, qu’on s’y prépare et qu’on puisse l’appréhender, l’accueillir et non livrer une bataille perdue d’avance. Je ne connais encore aucune femme  ayant su vaincre une descente d’hormones. 

Alors à notre première consultation gynécologique déjà assez stressante pour la plupart d’entre nous, pourquoi n’avoir parlé que du choix de la pilule ? Ça vous aurait fait quoi dans votre blouse blanche de nous parler de nos cerveaux dans tous ses états ?

Vous auriez pu par la même occasion nous dire qu’on allait se transformer en bête assoiffée de sexe quand on atteint notre pic d’ovulation ? Quoi cela vous choque ? Vous ne pensez que vous êtes les mieux placés dans votre fauteuil et nous le cul à l’air, la chattoune offerte à vos mains de plombiers, les pieds dans les étriers pour nous dire que c’était normal, qu’il faut s’attendre à cet état qui ne fait pas de nous des nymphomanes ? 

Première grossesse et bim c’est reparti. Ahhh que je te ceinture des monitorings, que je te fourre les doigts dans le vagin pour vérifier ci et ça. Et mon cerveau tu t’en occupes à quel moment ? Tu sais ce truc durement relié à mes muqueuses que tu t’astreins à mesurer ? 

Tu te préoccupes : à  ce que je ne mange pas trop de sucre pour le diabète, que je dégage le chat, que je renonce au brie aux truffes et aux sushis mais tu peux me parler un peu de ce que je peux potentiellement ressentir ? 

Tu laisses le job aux doulas ? Un peu facile Doc. 

Et si tu veux pas parler de la grossesse , vendue comme un moment qui ne peut que être merveilleux sous peine d’enfiler la camisole des mères indignes, tu veux nous parler de l ’après l’accouchement ? Nan toujours pas ? Post-partum ce mot latin , il te dit quelque chose ? C’est un mot savant dont tu as du te gaver pendant des 10 d’études, tu peux pas me l’expliquer du haut de ta chaire de toubib ? Je suis trop con pour comprendre ? C’est parce que potentiellement il va rien se passer de particulier que tu n’exonères d’un petit power point pédagogique ? 

Ca t’arracherais la tête de m’expliquer que biologiquement il va se passer des choses et qu’on peut avoir l’impression de prendre un Boeing dans la gueule quand on aura sorti un enfant de notre corps ? Qu’on va plonger dans des abimes d’incertitude, de doutes, de chagrins inexpliqués alors que tout la famille, la société, le monde entier s’attend à ce que l’on soit primesautière, le sourire aux lèvres, le sein nourricier ? 

Et pour clore le chapitre grossesse, je te dirais bien combien j’ai souffert d’avoir subi une IMG fort tardive, me retrouvant moi et mon chagrin dans la même salle d’attente que des femmes aux ventres ronds, heureuses de porter un enfant en bonne santé et que le choc de nos sentiments contradictoires ont été une insulte à mon désespoir. Ca vous ferait quoi, belle clinique privée de l’ouest parisien de faire 2 salles d’attente ? Nous ne sommes plus que des matrices, un système de canalisations décérébré, nos âmes ne sont pas votre affaire  mrs et mesdames les gynécologues, et je vous aux gémonies une profession qui oublie que nos ventres sont en contact direct avec notre cerveau. 

Chapitre stérilet. Encore de biens belles aventures. 

Chapitre 1 la pose : m’a t on demandé quel type de stérilet existe ? Ben non cher Doc du 16ème, spécialiste de la fertilité, tu t ‘en ballec de me dire que POSSIBLEMENT je vais me prendre au fil des semaines une petite déprime bien comme il faut, résultat d’une flopée d’hormones délétères, que je risque éventuellement une baisse de libido que je ne dois pas attribuer à mon corps fatigué ni à mon compagnon moins attentif. Bon ok les trois sont cumulables mais si j’avais pu identifier une des sources du problème, j’aurai pu en femme sachante décider de mon sort. 

mais je vais te dire Doc, le pire est à venir. 

Je vais te confier qu’un soir, ivre de désespoir, quelques jours après avoir retiré ce fichu stérilet du fond de mon utérus, j’ai pris ma voiture, roulant à des vitesses incongrues sur des petites routes de forêt, priant pour qu’un animal sauvage me barre la route et m’envoie via un bon braquage de volant au fond du ravin ? Juste pour arrêter mon cerveau, lui laisser un peu de répit ? 

Tu veux que je te raconte Doc le moment où j’ai roulé mon corps  sur la plage en hurlant à 4h du mat, enfouissant ma tête dans le sable, mangeant du sable, frottant le sable sur mon visage frénétiquement , juste pour avoir mal ailleurs que dans ma tête ? 

T’aurais pas pu me dire que POSSIBLEMENT j’aurai pu avoir une descente d’hormones qui pendant 48H m’aurait envoyé dans un autre monde ? 

A quel moment tu n’as pas jugé utile de me prévenir ? A quel moment je t’ai donné un blanc seing pour jouer avec mes hormones , pour que tu t’exonères de ton devoir de conseil ? 

Bien sur tu t’enquerras de ma dernière mammographie de mon dernier frottis mais ce soir là sur une route du cap ferret, j’aurai pu crever la tête dans un pin landais. Tu n’aurais eu aucune culpabilité ? naaan puisque ce n’aurait pas été d’un vilain cancer du sein ou de l’utérus. Fuck 

24H plus tard, plus rien. LA crise était passée, sourire retrouvé d’une revenante, d’une survivante, épuisée d’une énergie déployée de me sentir vivante, rescapée solitaire d’une épreuve que je ne souhaite à personne. 

Si tu m’avais prévenu Doc, j’aurai pu m’y préparer, accueillant ma folie passagère avec un rooibos et une bonne série Netflix en attendant que passe l’orage hormonal. 

Alors Doc, alors que je suis à l’aube d’une nouvelle épreuve de ma vie de femme, alors que je scrute mes cycles, mes articulations dans l’attente de la ménopause, tu te sens de me faire un petit brief ? Tu peux me dire ce qui m’attend ? 

Vais je devoir demander à mes copines de régiment de me raconter leurs mésaventures devant ce nouveau changement ? Ou j’attends tapie dans l’ombre de ma future cinquantaine qu’un séisme vienne m’embarquer dans un nouveau tourment ? 

Je fais quoi ? Je vais sur Doctissimo lire des flots de mauvaises expériences  car oui sur Doctissimo dont je prône l’immédiate fermeture on ne lit que des expériences malheureuses, le positif ne fait pas d’audience.

Il y a quinze jours, la brillante Drucker proposait dans Infrarouges un documentaire « ménopausées ». Est ce normal qu’à 47 ans je ne me sois pas de prime abord sentie concernée ? Pourquoi tu préviens pas que la pré-ménopause peut possiblement commencer à 40ans et que je vais me prendre une nouvelle descente d’oestrogènes et progestérone, ces termes savants derrière lesquels tu te caches pour ne pas parler des conséquences ? 

Doc dis moi ce qui m’attend steuplé. Dis moi les bouffées de chaleur, les suées nocturnes, les articulations douloureuses, les sécheresses vaginales, les sautes d’humeur, raconte moi mon quotidien sinusoïdal pour que je m’y prépare, que je prépare mon environnement, 

Raconte-moi mes humeurs, raconte moi mes déprimes, raconte moi mon corps pour que je l’aide à passer le cap, aide moi Doc à assumer les changements, accompagne ma dernière transhumance. Dis moi, aide moi à assumer cette nouvelle féminité alors que j’ai la sensation que je vais la perdre. 

Cher doc, nous sommes des chattes pensantes, tiens toi le pour dit. 

Demande à tes facultés de médecine de faire rentrer ce concept dans les amphithéâtres, monte des programmes pour ne pas faire de vous que des techniciens, sûrement excellents  mais des techniciens sans âme. Fais intervenir des femmes pour qu’elles racontent, qu’elles expriment leurs b) ’écoute, leurs besoins d’informations. Évite de faire de nous des machines à procréer ou à ne pas procréer, recrée du lien entre notre utérus, notre gaia, et notre cerveau. 

Et en même temps fuck

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